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Compte rendu de Marta Dufournaud à propos de la pièce de théâtre "Revue d’un monde en vrac" de Stéphanie Tesson

dimanche 29 mai 2011, par Bernadett

Dimanche 15 mai, les membres d’Alcyon ont eu la chance d’assister au spectacle de Stéphanie Tesson au Théâtre 13. Outre qu’elle soit l’auteur et la metteur en scène de la pièce, elle est aussi une amie de longue date de Lilla Fourrier.


Surprenante, enlevée, magique et dérangeante, dramatique et drôle, cette pièce laisse les sourires succéder aux larmes et vice-versa. C’est une de ces pièces qui affûtent nos sentiments, réveillent nos émotions et… mobilisent nos connaissances. Car du début à la fin, nous avons l’impression à la fois de nous y retrouver et de nous y perdre. D’être dans notre monde, mais aussi dans un monde fantasmé qui nous rappellerait quelque chose de connu, de « déjà vu », de« déjà vécu » mais que nous ne reconnaissons pas vraiment. C’est comme dans le rêve : le réel y est décalé, déguisé, et nous nous y sentons perdus, nous avons peur.

Les thèmes sont de notre époque, « en vrac » comme l’indique le titre : la destruction de la nature et la Terre défigurée, l’appât du gain avec sa compagne, la misère, le religieux et le cynisme, l’aspiration à la fraternité et le terrorisme…mais la succession des scènes comme autant de tableaux, nous rappelle les miniatures du Moyen Age, le monde de Dante et de Jérôme Bosch par leur décors, leurs costumes, le choix des couleurs. Jérôme Bosch dont Stéphanie Tesson est l’amoureuse… Elle le dira dans un échange avec les spectateurs après la fin.

Grâce à ce retour dans le passé (le Temps mourra à la fin, tué par la Mort), il nous reste quelque chose à quoi nous raccrocher : notre Histoire, nos racines, à nous les humains. Les allégories nous ramènent à des situations déjà entrevues : le Moderne et l’Antique se disputant pour incarner la Beauté (cette beauté qui peut aussi émerger de la laideur comme la dernière fleur de la Planète émergeant, virginale, des détritus…) ; la soif de pureté qui débouche sur le suicide de cette espèce de Pierrot le Fou ceinturé de dynamite… Tous les contrastes, toutes les contradictions sont possibles : la menace que font planer sur la Terre les dangers de la société de consommation –les feuilles du journal Le Monde qui se mélangent aux détritus, métaphore hilarante qui nous ramène d’un coup dans le présent – tout cela sera finalement écarté par le désir profond et récurrent de communiquer entre nous, entre humains. Les clichés peuvent devenir des vérités émouvantes.

Dans ce monde bancal – le titre et le sous-titre sont : « Revue d’un monde en vrac » « (qu’est-ce qui va se passer ? Fresque prophétique) » - qui avance cahin-caha dans un fatras de talons cassés, de vers de Musset, de rires et de larmes, de beauté et de laideur, et aussi et surtout de la peur de l’inconnu qui nous attend, nos racines qui nous plongent dans notre Terre, dans notre Histoire, nous sauveront peut-être… Il suffit de les retrouver.

Presque jusqu’à la dernière minute Stéphanie Tesson a voulu nous faire croire que lorsque nous pensions avancer, nous allions en fait « droit dans le mur ». Tout est fait sur la scène pour qu’on y croie. Jusqu’à la dernière minute nous avons cru que le couple qui s’est enfin formé (le SDF philosophe et la fausse pop-star) ira, lui aussi dans le mur. Mais le message est enfin transformé de la main d’un Jésus II, plus illuminé que prophétique, qui inscrit - enfin !- les mots substitués : « On va dans l’amour. » C’est une formule théâtrale profondément originale tenant de la farce, de la sotie médiévale, de ces comédies populaires déjà fort appréciées dans le monde antique. A recommander, pour le texte, la mise en scène, et le jeu d’acteurs excellents.

Et si vous voulez savoir comment finalement le couple n’y ira pas dans le mur… allez voir la pièce !

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